Séverine Hubard
Exposition du 26 avril au 8 juin 2013
La collecte, le détournement, le recyclage sont au cœur de la pratique de nombreux artistes contemporains. A travers l'utilisation d'objets naturels mêlés à des matériaux plus modernes ou des produits manufacturés, ils façonnent chacun à leur manière un univers peuplé de formes hybrides et qui tend, contre toute attente à l'équilibre.
Au sein de cette famille d'artistes, Séverine Hubard, se distingue par l'intérêt particulier qu'elle porte au matériau et aux logiques constructives.
Par les trajectoires aventureuses qu'elle emprunte, elle dérègle un vocabulaire, une syntaxe savante et se jouent des échelles et des espaces. Délibérément, elle fait un usage élémentaire de la technique pour laisser place à l'improvisation et l'ingéniosité du bricoleur. Elle crée ainsi des espaces éphémères à l'image d'un vaste chantier en suspens.
SEVERINE HUBARD
Assemblage, collage, et déplacement, la gestuelle artistique de Séverine Hubard trouve son origine dans l'acte de construire. En lien continu avec le contexte dans lequel elle intervient, l'artiste concrétise souvent ses interventions sous la forme de structures éphémères faites de matériaux de récupération. Chutes de planches issues d'un magasin de bricolage, fenêtres, ou encore portes d'immeuble vouées à la destruction, les matériaux choisis par l'artiste renvoient à la ville et à la matérialité de ses bâtiments, terrain de prédilection de cette bouillonnante chercheuse.
La chasse à la matière première à laquelle se livre l'artiste célèbre le plaisir de la trouvaille. Véritable substance de l'œuvre, ces matériaux ont valeur de trophées. L'objet trouvé, répété, accumulé devient un stock qui travaillé formera un paysage familier et inédit à la fois, dans lequel les gestes simples de l'artiste restent toujours lisibles. Se dégage de cette diversité plastique une énergie franche doublée d'une poésie directe : en frondeuse bricoleuse, Séverine Hubard s'ingénie à inventer un vocabulaire primitif qui exprimerait au mieux l'esprit des villes et des zones péri urbaines que l'artiste affectionne particulièrement.
Un phare-métaphore, un volatile aux aguets, un rhizome de tuyaux qui envahit l'espace d'exposition et y installe de nouvelles circulations : la proposition de Séverine Hubard pour le Grand Café s'appuie sur le contexte nazairien pour évoquer une archéologie spontanée du présent industriel. L'esthétique est brute et enfantine à la fois, abolissant toute séparation entre l'art et la vie quotidienne.
Ludique et foisonnante, l'installation tient tout autant du labyrinthe que de l'usine à fluides ou d'un échiquier géant aux pions agrandis comme dans Alice aux Pays des Merveilles.... Souvent, Séverine Hubard semble rejoindre l'univers burlesque de Jacques Tati (Playtime ou Mon oncle) et l'architecture populaire de & lsquo; Learning from Las Vegas' de Robert Venturi, Denise Scott Brown et Steven Izenour - ouvrage clé pour l'artiste. « Trente ans après la parution de leur livre, leurs méthodes me semblent toujours d'actualité : « étudier le paysage existant est pour un architecte une manière d'être révolutionnaire, pas à la manière trop évidente qui consisterait à détruire Paris et à le recommencer comme Le Corbusier le suggérait vers 1920, mais d'une manière plus tolérante : celle qui questionne notre façon de regarder ce qui nous entoure »
En filigrane, l'art de Séverine Hubard porte également en lui une dimension critique sur nos manières de percevoir un lieu : avec la fantaisie comme arme, il trace les contours d'un univers tranquillement subversif, sans permis de construire.
Séverine Hubard est née à Lille en 1977. Elle vit et travaille à Buenos Aires.
Texte : Eva Prouteau, exposition « L’équilibre des contraires », le Grand Café, Saint-Nazaire