With or without you?
Mélodie Mousset
Catherine est positionnée devant un moulage d?elle-même. Elle est vêtue d?un ensemble dont le motif ressemble clairement à la surface de son double. Sur l?iPod qui se trouve entre les deux, elles écoutent des chansons pop connues, de Céline Dion à David Bowie en passant par U2. Catherine chantonne doucement le refrain. Le public, qui connaît les morceaux par c?ur, suit dans une sorte de communication magique. Derrière ce dispositif simple, qu?y a-t-il à voir ?
Catherine et son double s?imitent l?une l?autre, c?est une certitude. Mais qui imite qui ? Tout chez le double imite l?original, mais par un traitement du moulage qui rend la sculpture plus lisse, le corps ne s?affaisse pas, il reste tel qu?il devrait être. La sculpture devient un double idéal de Catherine (proche des pubs pour l?iPod), alors que celle-ci, essaie tant bien que mal de tenir la position. L?objet joue contre l?être organique, et vice versa. Ce dialogue entre organique et géométrique traverse le travail de l?artiste.
Mélodie Mousset (1981 Abu Dhabi ; vit et travail à Londres) travaille sur le corps et ses parties. Elle en fait des sculptures qui, loin d?être des pièces purement formelles, se réfèrent avant tout aux sensations et perceptions. Elle les réinvente, les détourne de leur référent, en fait des pièces surprenantes qui ont leur dimension propre. Par le jeu des matières et échelles, par l?association d?idées ou le mixage visuel, on entre dans un voyage entre science fiction burlesque et carnaval de l?étrange, ou la dimension drôle et festive est totalement assumée.
With or without you. Appliquées au dispositif, les paroles de U2 donnent le ton : nous sommes dans le jeu de la parodie. Ici, pas question d?amour de l?autre, plutôt une tentative donquichottesque de communiquer avec son double, un moi idéalisé. Une décorporation qui brouille les pistes, ou plutôt, qui les multiplie. Et ça continue : le motif, sorte de camouflage virtuel, mi-pixel et mi-pointilliste, cascade de confettis joue à nouveau avec des références. Culture, pop culture, cyber culture ? tribal, animal, carnaval. Les corps, en chien de chasse, de garde ou de faïence, font aussitôt référence aux techniques de chasse primitives, où on l?imite sa proie afin d?en ravir directement l?âme. Tout s?assemble et se mélange dans une joyeuse partouze. La sculpture qui imite Catherine, est-elle en train d?attraper son âme ? Ou bien Catherine, qui chante bouche à bouche avec elle, lui donne-t-elle le premier souffle ?
La performance renvoie finalement à la pensée magique, utilisé en voyance : deux choses qui se ressemblent ou ont été en contact, continuent de s?influencer mutuellement. On attribue des pouvoirs spéciaux aux objets, considérés alors comme symboles. L?objet symbole. C?est peut-être là que réside le travail de Mélodie Mousset. Réinventer un monde étrange et ineffable, dont ses sculptures, sortes d?indices anthropologiques, ouvrent de nombreuses portes d?entrée.
Joëlle Bacchetta