Raw Material / Paris
07.01.2017 - 25.02.2017 Vernissage 07.01.2017
RAW MATERIAL
Victoire BARBOT, Dominique BLAIS, Mateusz CHORÓBSKI, Véronique JOUMARD, Karolina KRASOULI
07.01 - 18.02.2017
Vernissage/Opening : 07.01 // 17h-21h
L?exposition collective Raw Material est une invitation, une expérimentation, une rencontre.
Cinq artistes de différentes générations sont invités à investir pour la première fois l?espace de la galerie.
L?exposition s?est construite autour de correspondances apparues en filigrane au sein de la démarche des différents artistes. Une recherche souvent expérimentale
qui emprunte deux voies. La première, celle de la matérialisation d?objets dépourvus d?existence physique : le temps, l?énergie, la mémoire, le langage. La seconde,
celle de l?attention portée au propriétés intrinsèques de certains matériaux devenant la part constitutive de l??uvre : le verre, le cuivre, le tissus, le corps.
Chaque ?uvre demande de poser son regard, d?ajuster sa focale pour capter les potentialités latentes, les champs de force et les énergies au repos. Certaines démarches ne sont pas sans rappeler les questionnements chers à l?art minimal ou conceptuel, permettant de replacer cette proposition dans une longue tradition réflexive autour de
la matière de l?art, de son essence à sa dématérialisation.
The long day's journey into the night (2016) de Mateusz Choróbski plonge la salle principale de la galerie dans une ambiance feutrée résultant de la luminosité sourde de chaque néon retravaillé. Autour des tubes lumineux sont agglomérés des débris de verre récupérés à Varsovie dans les décombres de l?ancienne Monnaie Nationale, détruite quelques mois plus tôt. Le vitrage sans tain du bâtiment ne permettait pas l?accès aux regards extérieurs. L??uvre de Mateusz Choróbski se concentre sur notre perception de l?objet, instrument de monstration d?ordinaire strictement fonctionnel, tendant à devenir invisible. Le contexte historique et politique du verre brisé puis aggloméré induit, en accord avec la qualité du support lumineux, un discours paradoxal sur les notions de transparence, de clarté, d?opacité et de conversion.
Sur une étagère devenue ligne d?horizon, Véronique Joumard dessine des formes aux allures tant végétales qu?animales, des micro-paysages rappelant que « la miniature est un des gîtes de la grandeur »[1]. Ces jeux de volumes façonnés à partir de la force magnétique des aimants et de la limaille de fer laissent entrevoir, par le biais du dispositif volontairement visible, les possibilités d?activation et de mouvements de la matière. Paysage magnétique (2016) rend compte de l?économie de moyens et de la fragilité physique de l??uvre ainsi que du travail de Véronique Joumard dans l?expérimentation de matériaux intangibles « procédant à la façon d?une scientifique se concentrant sur des phénomènes, elle transforme la matière terrestre en inventions »[2]. Présentée également dans l?espace d?exposition, Horloge (2002) est animée par une seule aiguille : la trotteuse. Le cycle infini des secondes rend l?objet totalement dysfonctionnel, l?écoulement du temps et sa perception nous échappant davantage.
Entropê (2014-2015) de Dominique Blais joue sur l?ambivalence entre la forme et la propriété du matériau. Cette ?uvre réalisée par l?artiste durant une résidence
au CIRVA met à l?honneur tant le travail du souffleur de verre que les propriétés paradoxales de la matière, étant à la fois isolant et conducteur de l?électricité selon
sa température. La forme obtenue rappelle l?isolateur, élément que l?on retrouve sur les lignes à haute tension, mais évoque également la toupie, présentée ici comme
si l?on avait figé son mouvement. L??uvre semble arrêtée dans une étape transitoire, comme suspendue entre deux états. Le flux d?énergie est contenu, retenu dans le verre devenu isolant alors même que la plaque de cuivre poli sur laquelle il repose se voulait vecteur d?énergie par excellence.
La rencontre avec la matière est aussi à l?origine de l??uvre Grey Paintings [3 panels] (2016) de Victoire Barbot. Habituée à manier les matériaux de récupération, le tissu et plus particulièrement le velours, font partie intégrante de la pratique de l?artiste. Si elle l?utilise dans un premier temps sous forme de rouleau ou de lais dans ses sculptures, le velours apparaît pour la première fois comme ?uvre bidimensionnel. Grey Paintings [3 panels] est composé de trois lais de velours tendus par l?artiste à même le mur. Les gestes de l?installation enregistrés par le tissu deviennent alors le motif de l??uvre. Victoire Barbot réactive, à l?aide du titre et des dimensions choisies, les White Paintings (1951) de Robert Raushenberg.
Karolina Krasouli établit une recherche plastique à partir des « Gorgeous Nothings », poèmes écrits sur enveloppe d?Emily Dickinson (1830-1886). L?enveloppe devenue motif est utilisée par l?artiste jusqu?à l?épuisement. D?abord sous forme d?installation murale, l?objet démultiplié, découpé, coloré, se transforme en un langage crypté. Elle l?insère ensuite dans sa peinture sous différents formats. Sans titre (2016) nous permet d?appréhender l?objet, devenu matière picturale, sorte d?idéogramme flottant au sein d?une composition constituée d?innombrables couches de gesso et de pigments.
L?ensemble des vidéos produites par Karolina Krasouli sont filmées en super 8, lui permettant de travailler à même la pellicule lors du montage. Score (2016) nous entraîne dans le quotidien de danseurs en pleine répétition. La main se substitue rapidement au corps et agit comme un activateur de mémoire. Le geste répété prend la forme d?un langage accentué par l?absence de bande son.
[1] Gaston Bachelard, La poétique de l?espace, Presses Universitaire de France, 11e édition, 2012, p. 149.
[2] Jeff Rian, La terre vue de la lune, dans Véronique Joumard, Presses du Réel, 2010, p. 126.
//ENG//
The group exhibition Raw Material is an invitation, an experiment, an encounter. Five artists of different generations are invited to invest the gallery for the first time.
This exhibition is built around the implicit correspondences among the practices of each of the artists. Research, often experimental, taking two routes. The first, that of the materialization of elements lacking physical existence: time, energy, memory, language. The second, that of the attention paid to intrinsic properties of certain materials become the constituent part of the artwork: glass, copper, fabric, body.
Each work requires a resting of the gaze, to adjust one?s focus to take in the latent potentialities, the force fields, and the energies at rest. Certain practices are reminiscent of questions dear to Minimal or Conceptual Art, allowing the insertion of this proposition in a long reflexive tradition on the material of art, from its essence to its dematerialization.
Mateusz Choróbski?s The long day's journey into the night (2016)plunges the gallery?s main room into darkness, in a muted ambiance resulting from re-working each neon into a dulled luminosity. Each tube Is covered with debris of recuperated glass from Warsaw, the ruins of the old National Mint, destroyed several months earlier. The two-way mirrored windows of the building blocked the view of passer-bys. Mateusz Choróbski?s work concentrates on our perception of the object, instrument of monstration usually strictly function, tending to become invisible. The historical and political context of glass broken then concentrated, becomes, in accordance with the quality of the luminous support, a paradoxical discourse on the notions of transparency, clarity, opacity and conversion.
On a shelf become horizon line, Véronique Joumard draws forms appearing as much vegetal as animal, micro-landscapes recalling that ?the miniature is one of the dwellings of grandeur?[1]. This play on volumes crafted by the force of magnets and iron fillings allows for glimpses, through the voluntarily visible dispositive, of the possibilities of activation and movements of the material. Magnetic Landscape (2016) takes into account the economy of method and the physical fragility of the artwork as well as the general practice of Véronique Joumard, in her experimenting of intangible materials ?proceeding in the manner of a scientist concentrating on phenomena, she transforms terrestrial material into inventions?[2]. Also presented in the exhibition space, Clock (2002) is animated by a single hand: the second. This infinite cycle of seconds makes the object completely dysfunctional, the passing by of time and its perception completely escaping us.
Dominique Blais?s Entropê (2014-2015) plays on the ambivalence between materials? form and property. This work realized by the artist during a residency at CIRVA highlights the work of the glass-blower as much as the paradoxical properties of the material, being both an insulator and conductor of electricity, depending on the temperature. The obtained form is reminiscent of an isolator, an element found in high-voltage power lines, but also evokes a spinning top, presented here as if its movement was frozen. This work seems to be paused at a transitory step, as if suspended between two states. The flux of energy is contained, retained in the glass become an isolator, even though the sheet of polished copper on which it is placed is thought to be the energy vector par excellence.
An encounter with material is also the origin of Victoire Barbot?s Grey Paintings [3 panels] (2016). Practiced in working with recuperated materials, fabric and more specifically velvet, are an integral element of her practice. Used first in the form of rolls or lengths in her sculptures, velvet appears here for the first time as a two-dimensional work. Grey Paintings [3 panels] is composed of three lengths of velvet stretched by the artist into the wall itself. This gesture of installation recorded by the fabric becomes the motif of the piece. Victoire Barbot reactivates, with the help of the title and dimensions, Robert Rauschenberg?s White Paintings (1951).
Karolina Krasouli establishes a visual research based on ?Gorgeous Nothings?, Emily Dickinson?s poems written on envelopes (1830-1886). The envelope thus becomes a motif used by the artist to its exhaustion. First in the form of a mural installation, the object multiplies, cuts, colors, transforms into a cryptic language. The artist then inserts this form into her panting in different forms. Untitled (2016) allows us to apprehend the object, become a pictorial material, a kind of ideogram floating at the heart of this composition made up of countless layers of gesso and pigments.
The ensemble of videos produced by Karolina Krasouli is filmed in Super 8, allowing her to work on the film itself during post-production. Score (2016) brings us into the daily life of dancers as they rehearse. The hand quickly substitutes in for the body and acts as an activator of memory. The repeated gesture takes the form of a language accentuated by the absence of a soundtrack.
[1] Gaston Bachelard, La poétique de l?espace, Presses Universitaire de France, 11e édition, 2012, p. 149.
[2] Jeff Rian, La terre vue de la lune, dans Véronique Joumard, Presses du Réel, 2010, p. 126. Translation by A. Iwataki