Michel Aubry / Rainier Lericolais / Richard Monnier / Paris
01.05.2011 - 18.06.2011 Vernissage 30.04.2011
Dans un texte, simple et beau, Richard Monnier à cette remarque à propos de Chardin : « (…) Chardin montre une bulle encore chargée de son eau qui ne reflète ni objet, ni fenêtre comme la convention le veut. (…), Chardin fait voir l’aspect concret des choses, il montre la bulle au moment de sa réalisation. Il l’observe et nous fait observer qu’avant de contempler le vol enchanteur de la bulle, nous sommes captivés par le contrôle incertain des conditions de son apparition. Il fixe notre attention sur le moment qui précède son achèvement pour nous dévoiler sa nature. Il indique ainsi que l’observation est le passage privilégié pour trouver de quelle innocence elle peut être l’expression. » 1
Cette manière de passer outre les conventions, de reconnaître le rôle primordial de l’observation et d’indiquer ce qui fut peut-être une des grandes ambitions de l’art, retrouver un geste et un regard au plus près de l’enfance, au plus éloigné des compromissions, des effets. Ces trois moments que Monnier reconnait dans la peinture de Chardin sont aussi les points de connivences avec Michel Aubry et Rainier Lericolais. Le jeu est le point de passage.
Chez Michel Aubry il passe par une règle écrite sous la forme d’une « table de conversion » qui lui permet de traduire 2, de métamorphoser dans l’espace, le souffle vivant des maîtres sonneurs Sardes et au-delà de « mettre en musique » un choix d’objets . Cette mise en musique est rendue possible par le fait que ces objets, comme il le dit, « fonctionnent bien » et relèvent déjà d’une partition.
Rainier Lericolais vient également de l’univers musical. Il peut aussi s’en abstraire et produire des objets qui n’ont pas d’autre origine que d’avoir été réalisés « pour voir ». Le jeu doit se comprendre, ici, comme une prise de risque. Il s’agit de produire et d’observer ce qui vient d’être produit. Rien n’est fortuit dans cette méthode, mais le résultat peut être en deçà comme au-delà des espérances. Il s’agit alors de ne pas juger du résultat en fonction d’une attente extérieure, mais de l’accueillir pour ce qu’il est. Les propos que Derek Jarman met dans la bouche de Wittgenstein, dans son film sur le philosophe, résonnent, « Si on ne faisait pas des idioties, rien d’intelligent ne serait fait ».
Richard Monnier a déjà définit sa pratique de sculpteur, « spécialement orientée depuis la fin des années 1970 vers les pâtés de sable, les billes, les ballons de baudruche, les barbes à papa… ». Au jeu expérimental qu’affectionne Rainier Lericolais il ajoute le regard pointu de Michel Aubry sur la qualité intrinsèque des objets. Il prête une attention particulière aux protocoles de productions. Là aussi le résultat importe peu, mais le geste et ses conditions de réalisation sont à la base de ce qui va devenir un dispositif permettant l’obtention de l’oeuvre qui, vue pour elle même, semble venue d’ailleurs.
1 La bulle de savon, Richard Monnier, dans Carnet de bord, Cirva, 1996
2 Le Joueur, Anne F. Garréta, Centre culturel français de Palerme et de Sicile, 1992