Marion Meyer Contemporain présente pour la première fois à Francfort les peintures sur papier de Michel Herreria, articulées autour d'une oeuvre emblématique, Des citoyens évidés. Mariage heureux d'humour et de noirceur, la collusion texte-image-matière relève le défi de dessiner le constat d'une société complexe où langage et politique isolent et confondent l'être humain plus qu'ils ne le structurent.
La force du propos de Michel Herreria est servie par une puissante identité picturale.
Ces protagonistes « évidés », si chers à l'artiste, tranchent sur des fonds tantôt implacablement denses et saturés de matière, tantôt traversés de segments et d'écoulements picturaux, d'espaces jaillissant de nulle part. Mots et silhouettes s'affirment nettement et parfois ne font que se deviner : tout se passe comme si l'on voyait à l'oeuvre le processus périlleux d'une formulation face à la complexité grandissante de notre société.
« La fin de l'humanité n'est pas pour demain : elle a la tête bien encadrée dans un plateau de cantine. Quelle est son activité ? Elle est dans un aquarium. Quelle est l'activité de l'aquarium ? Il est plat, mais donne une sensation de volume (...) Un élu local m'a indiqué la formule : C'est une respiration (l'art, c'est une respiration, etc). L'élu cherche dans les dessins des preuves d'une nouvelle époque axiale. Un dépassement de l'humanité par l'humanité même, et que ça boursoufle l'électeur. Sur fond noir de firmament sans étoiles ou carrelage de salle de bains, des hommes à plat tentent d'être aussi élastiques que possible. »[1]
Le public connaît de longue date l'identité graphique et les thématiques inhérentes à l'univers d'Herreria. Bénéficiant d'une actualité internationale ainsi que de l'intérêt de la presse spécialisée (Comme Roven[2]), il gagne à être plus largement connu d'un public étranger : cette exposition permet de le faire découvrir et/ou mieux apprécier par le public allemand.
[1] Nathalie Quintane, Michel Herreria, texte à paraître
[2] Romain Salomon, « Les Mauxmots de la société », in Roven, Revue critique sur le dessin contemporain, n°6 automne-hiver2011-2012, pp 111-115