Holding pattern in the void - Boucle d'attente dans le néant / Paris

19.05.2016 - 02.07.2016 Vernissage 19.05.2016



Dossier de presse : pdf press release
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Werner Büttner

Boucle d'attente dans le néant
Du 19.05 au 25.06.2016

Vernissage le jeudi 19 mai à partir de 17h en présence de l'artiste

 
Sous le titre de « Boucle d?attente dans le néant » (Holding pattern in the void), l?exposition personnelle de Werner Büttner (1954 ? Allemagne) à la galerie Eva Meyer propose d?approcher l?univers pictural de l?artiste en découvrant une dizaine de ses dernières productions.

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Werner Büttner a l'habitude de se présenter ainsi à ses nouveaux étudiants de Hambourg : « Je suis né à Iéna aux ides de mars 1954, 1999 ans exactement après le meurtre de César, jour de l'assassinat du père, et conçu neuf mois auparavant, le 17 juin 1953, jour du soulèvement populaire en R.D.A. » Cette autobiographie du peintre en dit long sur son sens de l'histoire ? de ses raccourcis aussi ?, et son goût pour les ruptures et les coups d'Etat. Le putsch de la peinture fut précisément l'objectif que s'étaient donnés à la fin des années soixante-dix les membres du Junge Wilde, « les jeunes fauves », dont Büttner fut l'un des noyaux durs avec Martin Kippenberger, Albert Oehlen et Georg Herold. Leur mot d'ordre : dézinguer le minimalisme et l'art conceptuel.

Artiste autodidacte, venu à la peinture sur l'insistance d'Oehlen, par bravade et par esprit de contradiction avec ses études de droit, Büttner s'est fait connaître par un autoportrait se masturbant au cinéma (Selbst im Kino onanierend, 1981). Cette peinture annonçait ses ambitions incendiaires et lui valut une réputation sulfureuse incontestée à ce jour.

Wer die Malerei nicht prügelt, hasst die Malerei ! (Celui qui ne démolit pas la peinture, hait la peinture !) tel est l'intitulé d'un tableau de 1999, dont la virulence de l'injonction envoie les commentateurs complaisants sur un terrain miné. Alors, ne prenons pas de pincettes et annonçons le tout de go : l'artiste a refusé d'apprendre la peinture et a toujours fait de son mieux pour l'exercer à contre-pied, dixit l'artiste avec dérision[1]. Autant dire que la technique lui importe peu, ou plutôt si, dès lors que le défaut délibéré de virtuosité devient le moyen de fustiger le goût compassé et la facture léchée. « Le tableau doit être fait dans la journée, car j'ai d'autres choses à faire[2] » nous apprend-il. D'où un style enlevé, des touches contrariées, fiévreuses, broussailleuses, une saturation de la toile qui dit la manière gloutonne ? rabelaisienne ? avec laquelle Büttner entreprend le tableau. Une telle fougue fait nécessairement la part belle à des emportements, des choix arbitraires, mais aussi des décisions fermes de peintre, tels ces bandeaux de couleur qui surplombent certains tableaux ou les formes flottantes déposées sur les fonds. Büttner a aussi ses fantaisies d'artiste, à l'instar des petits drippings ? devenus sa signature ?, fils soustraits à la vigilance, évacués trivialement comme des giclées parachevant l'acte pictural.

Depuis la profondeur noire de ses arrière-plans, Büttner fait surgir son monde au moyen de la couleur. « Les uns peignent pour étendre le jour, les autres pour chasser la nuit[3] » souligne son ami et théoricien Friedrich Wolfram Heubach, qui tient Büttner pour appartenir à la fraction d'artistes qui dissipent l'obscurité autour de leurs figures. Des images de rêves remontent à la surface, avec le pouvoir puissant d'évoquer des états profonds, au moyen de quelques indices et raccourcis saisissants. Sa peinture ne peut être disjointe de ses collages ? qu'il pratique assidûment en parallèle ? tant la collision d'objets juxtaposés est un ressort de sa rhétorique. Elle est le signe d'une intelligence rare et d'une sagacité où, comme en humour, le bon mot survient du rapprochement incongru d'éléments disparates.

 

La nervosité du trait de Büttner est à mettre en rapport avec la lucidité crue du regard qu'il porte sur les hommes et le monde. Sa très attendue exposition en France, après la rétrospective majeure de 2013 au ZKM de Karlsruhe et la parution des deux catalogues monumentaux, rassemble un ensemble récent de toiles du peintre allemand où s'expriment une nouvelle fois sa verve féroce et son ironie pessimiste. Que ce soit un freak à Jérusalem qui brandit une pancarte où est inscrit « The End is near. Let's have a beer », ou une ronde d'avions autour d'une explosion particulièrement picturale, les ?uvres mettent en tension le profond et le fantasque, le grave et le léger. Toujours, chez Büttner, le spectateur est mis à l'épreuve de reconstituer la scène et déchiffrer les intentions du peintre. Comme dans un trait d'esprit, le sujet de la peinture engage une connivence avec le public, et réclame distance et second degré pour être saisi. 

Mais ne nous trompons pas sur cette résistance à l'esprit de sérieux : Büttner ne peint pas pour le plaisir ? not for fun dit-il ?, mais bien par nécessité de révéler une image. Elle est appelée par l'urgence et le besoin de figer, sans complaisance, des visions et des états.

 

L'ensemble réalisé ces derniers mois et présenté à la galerie Eva Meyer, révèle un Büttner plus assagi, moins porté sur la bagatelle et moins provocant. Plus grave certainement, mais peut-il en être autrement à l'écoute du monde actuel ? En effet, Büttner demeure bel et bien un peintre de la vie moderne, attaché à rendre les petites et grandes turpitudes de l'homme du XXIe siècle, sans renier la part métaphorique, voire symbolique, qui le rend proprement humain. Werner Büttner assigne à son art le rôle de « nourrir les yeux, l'esprit et le coeur », trois voies pour atteindre le public et le faire succomber au charme vénéneux de sa peinture, de ses bons mots et de son être au monde.


Laetitia Chauvin

Mai 2016



[1] « I refused to learn to paint. I really try to make everything wrong, to paint like you shouldn't paint. » Werner Büttner lors d'une conversation publique à Marlborough Contemporary, Londres, 28 janvier 2016

[2] « A picture must be done in a day, as I have other things to do. » « Werner Hofmann in conversation with Werner Büttner », in Coincidence in Splendour, Black Dog publishing, London, UK, 2016, p. 170

[3] Friedrich Wolfram Heubach, « Des tableaux à inspirer la pitié » in Büttner, Taschen, Cologne, 2003, p. 34


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Under the title of « Holding pattern in the void », the personal exhibition of Werner Büttner (1954 ? Germany) at the Galerie Eva Meyer offers to approach the pictural univers of the artist by discovering ten of his latest productions.

Werner Büttner usually presents himself to his new students in Hamburg as follows: ?I was born in Jena on the ides of March 1954, exactly 1,999 years after Caesar was murdered, the day of the assassination of the father, and conceived nine months earlier, on June 17, 1953, the day of the people?s uprising in East Germany.? This autobiography of the painter says a great deal about his sense of history?of his shortcuts as well?and his taste for ruptures and coups d?état. The putsch of painting was precisely the goal the members of the Junge Wilde (?wild youth?) set for themselves in the 1970s. Büttner was one of its hardcore members along with Martin Kippenberger, Albert Oehlen and Georg Herold. Their master word: trash minimalism and conceptual art.

 

A self-taught artist who started to paint on Oehlen?s insistence, by bravura, and by a spirit that totally contrasted with his law studies, Büttner became known via a self-portrait in which he is masturbating in a movie theatre (Selbst im Kino onanierend, 1981). This painting heralded his incendiary ambitions earning him a scandalous reputation uncontested to this day.

 

 

 

Wer die Malerei nicht prügelt, hasst die Malerei ! (?Those who don?t bash painting, hate painting!?) is the title of a 1999 picture the virulence of whose order sent complacent commentators onto a mine-strewn terrain. So let?s not wear kid gloves and let?s go straight to the point: the artist refused to learn painting and has always done his best to practice by taking the opposite course, the artist derisively says.[1] Which amounts to saying that he cares little for technique, or rather, yes, as soon as the deliberate defect of virtuosity becomes the means of denouncing rigid taste and bootlicking style. ?A picture must be done in a day, as I have other things to do?[2] he teaches us. Hence a spirited style, contrasting, feverish, scrubby touches, a saturation of the canvas that recount the gluttonous ?Rabelaisian? manner with which Büttner undertakes the picture. An ardor of this magnitude necessarily offers a considerable place to the painter?s rages, arbitrary choices, but also firm decisions, such as these bands of colors that look down over certain paintings or the floating forms deposited on the bottoms. Büttner also has his artist fantasies, for example small drippings?which became his signature?threads that have eluded vigilance, trivially evacuated like squirts that add finishing touches to the pictorial act.

 

Büttner makes his world burst forth from the black depth of his backgrounds through color.?Some paint to extend the day, others to chase away the night,?[3] pointed out his friend and theoretician Friedrich Wolfram Heubach, who considers Büttner as belonging to the fraction of artists who dissipate the darkness around their figures. Images of dreams rise up to the surface, with the power to evoke profound states, through a few striking clues and shortcuts. His painting cannot be dissociated from his collages?which he assiduously creates at the same time?since the collision of juxtaposed objects is a mainspring of his rhetoric. It is the sign of a rare intelligence and wisdom in which, as in humor, the bon mot arises from incongruously bringing together disparate elements.

 

 

 

The nervousness of Büttner?s line should be compared to the raw lucidity of the view he casts on men and the world. His eagerly awaited exhibition in France, after the major retrospective in 2013 at the ZKM in Karlsruhe and the publication of two monumental catalogues, brings together a recent group of the German painter?s canvases in which once again his fierce ardor and pessimistic irony are united. Whether it is a freak in Jerusalem who brandishes a sign on which ?The end is near. Let?s have a beer? is written, or a circle of airplanes around a particularly pictorial explosion, the works create tension between the profound and the fantastic, the serious and the light-hearted. With Büttner, the spectator is always tested on recreating the scene and deciphering the painter?s intentions. Like a flash of wit, the subject of the painting encourages complicity with the public and demands distance and a second degree to be grasped.

 

But let us not be mistaken about this resistance to the spirit of seriousness: Büttner does not paint for pleasure?not for fun he says?but clearly by the necessity of revealing an image. It is called forth by urgency and the need to freeze, without any complacence, visions and states.

 

 

 

The works created these last few months and presented at the Eva Meyer gallery reveal a calmer Büttner, not as focused on trifles, not as provocative. More serious, certainly, but considering today?s world, can it be otherwise? In fact, Büttner clearly remains a painter of modern life, determined to render the large and small turpitudes of the 21st-century man, without denying the metaphorical, even symbolic part, which makes him specifically human. Werner Büttner assigns the role of ?nourishing the eyes, the mind and the heart? to his art, three paths to reach the public and have it succumb to the pernicious charm of his painting, his bons mots and his being in the world.

 


Laetitia Chauvin

 

May 2016

 



[1] ?I refused to learn to paint. I really try to make everything wrong, to paint like you shouldn't paint.? Werner Büttner during a public conversation at Marlborough Contemporary, London, January 28, 2016.

[2] ?Werner Hofmann in conversation with Werner Büttner,? in Coincidence in Splendour, Black Dog publishing, London, UK, 2016, p. 170.

 

[3] Friedrich Wolfram Heubach, ?Des tableaux à inspirer la pitié,? in Büttner, Taschen, Cologne, 2003, p. 34.