PRESS RELEASE - ZKM
April 6 September 22, 2013
WERNER BÜTTNER. Gemeine Wahrheiten
An Exhibition at the ZKM | Museum of Contemporary Art
__________________________________________________________________
With the retrospective "Werner Büttner. Gemeine Wahrheiten" the ZKM | Museum of Contemporary Art is to hold the most comprehensive exhibition to date of the work of Hamburg artist Werner Büttner. Together with Martin Kippenberger and Albert Oehlen, the artist has continued to exert a sustained impact on the European art scene since the early 1980s. Pictures, drawings, collages and sculptures are testimony to the sheer wealth of Büttner's ingenuity and irony, but also to his biting sarcasm with respect to social realities. The exhibition highlights the significance of Werner Büttner in the context of the development of late 20th century German painting to which he made a decisive influence, and presents him as one its central figures and pioneers.
"At that time, no less than I do today, I took and continue to take painting as seriously as I do my cookware or my car." (Werner Büttner)
At the beginning of the 1980s a vital, impetuous and at times radical painter's scene began establishing itself in several centers of German art. The common attitude was one of provocative questioning of that which painting was or sought to be. With the choice of consciously trivial or absurd motives and themes, painting was reduced to the apparently ridiculous. Brusque rejection was the initial response to this art scene, the most important centers of which began crystalizing in Cologne, Berlin and Hamburg. With an apparently pointedly succinct painting style oscillating between abstraction and borrowings from the world of objects, the artists produced large-scale paintings, conceived as an assault on "good taste" and "quality art". Malice and cynicism towards the emerging neoliberal society of the Helmut Kohl era was the characteristic tenor of many of the works. In spite of the adopted "who gives a damn?" attitude, the art scene that gathered around Büttner was a decidedly political one. Alongside Werner Büttner, Martin Kippenberger and Albert Ohelen were also at the center of the former Hamburg painting scene to which the likes of Hubert Kiecol, Markus Oehlen and Georg Herold were also associated.
Büttners concept of art is more realistic. The only truth of the postrevolutionary phase runs: the tactic of survival also applies to art. (...) Thus, Büttner uses his pictures as a formula for battle, his paintings as a weapon with which he opposes, with which he attacks and defends himself. He attacks all and everything, even himself and painting. (...) His works thus have such wonderful, ironic titles such as Probleme des Minigolfs in der europäischen Malerei [The Problem of Minigolf in European Painting] (1982/1983), "propaganda against everything", "rebellious reinterpretation of mean truths" (Peter Weibel)
The exhibition's 300 paintings, drawings, collages and sculptures of the primarily comprise Werner Büttner's works who, following the reinvigoration of object painting during the 1960s and 1970s, began to break with its illusionism and to finally strip it of everything bourgeois. Byway of his emphatically rough and coarse technique, Büttner turned against the accepted notions as to what abstract and object art should be. He recorded all written, oral or artistic expressions from his lifeworld, crushed the found both in terms of motif and content before going on to reassembling them into the picture, so that at times distinctive combinations emerge, such as "Stilleben mit Wolpertinger und beschädigtem de Chirico" [Still Life with Jackolope and Damaged de Chirico] (1984). In his more recent works, C-Prints, Büttner assembles the motifs - in spite of their proximity to digitally produced pictures - entirely by hand with a knife and scissors, making the inclusion of an entire range of expressive forms from the lifeworld even more evident.
No other artist from the Hamburg painter's scene of the time cultivates such a cryptic treatment of language and its relationship to art as does Werner Büttner. Titles such as "Die Probleme des Minigolfs in der europäischen Malerei" [The Problems of Minigolf in European Painting] (1982) or "Moderne Kunst kann man verstehen, moderne Welt nicht" [One can Understand Modern Art, but not the Modern World] (1985) testify both to his sinister humor and depth of discourse in art. Other titles, such as "Die Russische Revolution vom Hörensagen und in Öl" [The Russian Revolution from Hearsay and in Oil] (1985) or "Wetterfester Schmetterling" [Weatherproof Butterfly] (2008), again testify to Büttner's social criticism.
An accompanying catalogue to the exhibition published by Hatje Cantz, edited by Peter Weibel and Andreas Beitin is forthcoming; approx. 460 pages, and primarily illustrated in color with articles by Andreas Beitin, Bazon Brock, Harald Falckenberg, Zdenek Felix, Eckart Gillen, Walter Grasskamp, Eva Meyer-Hermann, Johannes Meinhardt, Daria Mille, Wolfgang Ullrich; the volume also contains an interview with Werner Büttner held by Oliver Zybok, a discussion with Werner Hofman, with Werner Büttner and an artist's statement by Jonathan Meese, Georg Herold, Albert Oehlen in discussion with Jörg Heiser as well as Daniel Richter.
Curators at the ZKM: Peter Weibel and Andreas Beitin
WERNER BÜTTNER. Kunstforum, janvier 2012.
__________________________________________________________________
« Seul celui qui se sent étranger dans ce monde peut éprouver un étonnement productif »
Werner Büttner est à la fois peintre, lithographe, sculpteur et poète. Au milieu des années 1970 il s'intéresse à l'art en autodidacte. Il réalise, en coopération avec Georg Herold, Hubert Kiecol, Martin Kippenberger et Albert Oehlen, des projets et des expositions jusque dans les années 1990. Dans ses diverses déclarations médiatiques, Büttner commente les évènements de l'actualité avec scepticisme et ironie. La base de son travail comprend de nombreuses sources variées comme la littérature par exemple. Dans cette perspective on mentionne surtout l'intérêt de Büttner pour les travaux de Baltasar Gracian, Michel de Montaigne, François Rabelais et Jonathan Swift. Son attention se porte, entre autres, sur les aphorismes qu'il oppose comme des vestiges d'illusions à la réalité d'aujourd'hui.
Oliver Zybok : ces derniers temps on entend encore et toujours les mêmes critiques, l'ironie serait dépassée, car, de par son ambigüité, elle voilerait les problèmes au lieu de vraiment les aborder. C'est surtout dans le post moderne que l'ironie est vivement critiquée car on n'a jamais vraiment compris s'il s'agissait d'une simple remise en cause, ou de la prédominance de l'ignorance. L'humour aurait donc été mis au premier plan selon la devise : l'important c'est d'avoir bien ri (rigolé). Qu'elle est ta position vis-à-vis d'une telle critique ? Est-ce-que l'ironie et l'humour ne sont pas à la base de l'art ?
Werner Büttner : l'ironie n'est pas un phénomène de mode, mais plutôt un instrument respectable et dur de l'esthétique. On ne va pas aller reprocher l'ambigüité et le ridicule dans les pièces d'Aristophane ou dans l'Éloge de la folie (1509). L'ironie prend une très grande distance vis-à-vis de l'objet traité, elle est le moyen stylistique de rendre productif ce qui est éloigné. Seul celui qui se sent étranger au monde peut s'étonner de façon productive. Celui qui est proche, impliqué, en accord, ne peut avoir, ni un esprit ouvert, ni une oeuvre tranchante. Et après la mort du Dieu et la démystification du monde, on ne peut imaginer et justifier qu'une existence ironique et esthétique.
Tu es né à Jena et tu as pris régulièrement comme thème de tes travaux ton pays d'origine, la DDR et sa situation politique, je cite par exemple le cycle de peintures « Die Russiche Revolution ? vom Hörensagen und in öl »[1](1985). Ce sont toujours des débats politiques qui apparaissent. Tu as dédié la série « Schrecken der Demokratie »[2] sur papier au champ élargi de la démocratie. Comme dans beaucoup d?autres ?uvres, le texte fait partie intégrante des images. Quel a été le déclencheur de cette série apparue entre 1978 et l'an 2000 et qui comprend plusieurs centaines de pages ?
« La révolution russe ? du ouï-dire et à l'huile » (1985) porte un titre qui est un démenti en soi. Ce n'est pas un débat politico-historique, mais le traitement libre d'un mythe des temps modernes, un grand sujet joliment contradictoire. J'ai eu également l'opportunité de travailler à des séries. Même chose pour la série « Schrecken der Demokratie », connu également sous le nom « Desastres de la Democracia », une révérence à mon collègue Goya. Sur ces pages je grommelais à propos de ceci ou cela et parfois à propos du grand Tout. L'art politique prend effectivement parti et exprime des intérêts. Mais les intérêts sont difficiles à peindre sur huile. La « Condition Humaine »[3], elle, se laisse peindre. Elle ne montre pas des membres du parti mais des rejetés avec une touche personnelle. C'est juste comme ça.
Quelques initiatives, comme « Einrichtung einer Samenbank für DDR-Flüchtlinge »[4] (1980) avec Georg Herold et Albert Oehlen, ou des publications intitulées « Jenseits konstanter Bemühungen im braven Erflog »[5] (1979) , ou bien « Facharbeiterficken »[6] (1982) semblent banales au premier abord. Là-dessus, tu as choisi des images, comme des feux rouges, des parcours de mini golf, des bottes de soldat des saucisses au curry, des cabines téléphoniques détruites (etc.) qui mettent un certain humour au premier plan. S'agit-il là de mettre en évidence la diversité du banal ?
Je trouve que « Facharbeiterficken » est un néologisme charmant dans un monde qui autrefois (1982) commençait à gagner plus d'argent avec le sexe qu'avec de la nourriture. L'autre titre prend ses distances d'un succès brave, toléré, devenant ainsi une promesse énergique d'adolescent. La « Viefalt des Banalen »[7] est reproduite dans les magazines et à la télé. Je parlerais plutôt de « unerhabenen Sujets »[8]. Les sujets élevés nous ont malheureusement quittés. On ne peut plus berner les gens en parlant de dieux, de nus ou de nature vierge. Jonathan Swift, grand et éminent ironiste, avait un credo triomphant : « Vive la bagatelle »[9]. À ce sujet il y a certainement encore quelque chose de beau, de vrai et de justifiable à découvrir.
Tu es également un grand admirateur de François Raberlais. Lesquelles de ses oeuvres t'ont influencé ?
Son cycle de romans Gargantua et Pantagruel (1532-1564) est selon Michail M. Bachtin l'oeuvre littéraire la plus intrépide du monde. Grâce à ce livre j'ai appris que la « Popanzdepotenzierung » est une valeur haute.
Qu'entend-on par là ?
Au bon moment, au bon endroit se moquer des autorités, des certitudes, de ce qui dérange.
Ton tableau « Alter Trick »[10] est un bon tableau, une bonne blague ou les deux ?
« Alter Trick » est d'abord un tableau avec un sujet traditionnel : celui de la créature torturée. Depuis que l'homme a réussi à apprivoiser une partie de la faune, le pâtre s'acharne contre ceux dont il a la garde. Depuis la découverte des bottes en caoutchouc, ce comportement très discutable est devenu plus simple techniquement. On place les pattes arrière de l'animal dans des bottes en caoutchouc et on le rend incapable de bouger. Et là, on peut le pénétrer. Voilà pour ce qui concerne le contenu. Il est formellement projeté sur la toile à la manière « alla-prima ». Je n'ai jamais, en tant qu'arrogant, apprécié de gâcher des après-midis entiers devant l'écran. Cela me semblait peu viril en quelque sorte. Je ne peux ni ne veux être plus précis. « Alter Trick » n'est donc pas un « bon » tableau peint avec amour. C'est en premier lieu geste et déclaration, les calmants habituels en ces temps agités et nerveux.
En comparaison, «À la recherche de l'amour dans la bibliothèque d'une ville fantôme » semble beaucoup plus mélancolique.
Mélancolique ? Je dirais plutôt que c'est du scepticisme enveloppé de façon poétique avec un brin de fatalisme.
Dans quelle mesure ?
Une jeune fille, qui a été obligée de porter des fringues ridicules, cherche l'amour avec un drapeau au lieu d'une torche, dans la bibliothèque d'une ville fantôme. Peut-on imaginer quelque chose de plus fatal et inimaginable?
Tu viens de prononcer le mot-clé « peu viril ». On t'a attribué, à toi et à tes complices, un chauvinisme récurent : vous auriez, de toutes vos forces, réclamé la peinture en tant que domaine masculin. S'agit-il de « paroles vides de féministes frustrées » ou y-a-t-il dans cette critique un fond de vérité ?
Question impolie et venimeuse ! Je n'ai jamais croisé le chemin d'une féministe frustrée. Il y en a probablement et, dans ce cas, en faible quantité. Le reproche est venu d'hommes qui ne savaient pas chanter aussi bien et aussi fort que nous. Ce qui est vrai, c'est que nous sommes devenus parfois un peu grossiers, pour nous soustraire à la dictature du politiquement correct
Comment doit-on interpréter les oeuvres « So ist es aber : kleiner Hängebusen voller Fingerabdrücke und verscheniter VW »[11] (1982) ou « Meine Frau liest! Und Deine?»[12] (1993)?
La série « So ist es aber : kleiner Hängebusen voller Fingerabdrücke und verscheniter VW » loue l'égalité des chances de toutes les êtres qui ne correspondent pas forcément aux idéaux de beauté conventionnels. C'est ainsi que même la petite poitrine tombante, la poitrine qui fait tapisserie, peut avoir l'opportunité de devenir porteuse d'empreintes, une déclaration optimiste et humaine. De plus, l'extension des sujets fait aussi partie de la peinture et, à ma connaissance personne n'a encore exploré ce thème. Mon ami Harald Falckenberg me fait remarquer, que l'éminent collègue Gerhard Rühm s'était aussi occupé, de façon affectueuse, du thème de la poitrine tombante dans son travail de photos. Je peux donc réclamer l'exclusivité de la poitrine tombante mais dans la peinture seulement. Le tableau « Meine Frau liest! Und Deine ?» pose une question impolie à laquelle, par politesse, on ne répond pas si on est intelligent et qui marque le souvenir par sa dose de perfidie. Une nouvelle trace de parfum sur ordinateur.
Comment décrirais-tu le caractère de tes querelles dans les années 70 et 80 ?
Kippenberger appelait cela « être malin, participer». Pas mal, un euphémisme dépourvu de pathos. Une partie de la jeunesse fut à cette époque prise par une rage que l'on peut attribuer au silence sur la dictature nazie. La musique et les arts plastiques furent frappés le plus durement. C'est là que le des amateurs téméraires furent emportés par le canon. Animés d'une souveraineté due à la faute des vieux, ils frappèrent l'apparition du nouveau. Certains prirent la « Wumme » et furent punis. D'autres crièrent « retour au béton». D'autres encore dirent « non, merci» à ceci ou cela. Beaucoup se contentèrent de « tranquillisants » venant d'Amsterdam. La petite famille, l'obéissance à l'autorité et l'université de Humboldt furent irréparablement endommagées. Siezen fut aussi soupçonné. Ma querelle ? Et bien, ce que je voulais, c'était être entendu, être vu et coucher avec les bons.
Tu as étudié le droit pendant quelques semestres à l'Université Libre de Berlin au début des années 70. Durant cette époque tu dénonces la deuxième loi sur l'assistance maladie de 1971 et le détournement de la loi dans l'affaire Horst Mahlers dans une conférence. Ta protestation fut jugée irrecevable et ton travail de séminaire ne fut pas particulièrement noté avec bienveillance. Ce sont des idées empreintes d'idéalisme qui t'ont poussé à entreprendre ces études ?
L'homme, s'il n'a pas le c'ur dur, tend à l'enthousiasme et à l'idéalisme dans sa jeunesse. Une mauvaise note au baccalauréat et la croyance trompeuse que les études de droit pourraient être la philosophie qui amènerait de l'ordre dans la communauté, ont fait que j'ai voulu en tâter. Avec l'aide des professeurs et de cinq mille camarades d'études, issus de dynasties de juristes, je suis devenu un « hors la loi » convaincu. Puis je fus arrêté. En prison en tant qu'assistant social, je fis la connaissance des secrets des blessés. Je me retrouvai alors à la rue, avec toutes mes convictions et sans aucun diplôme final.
La manière de penser du juriste a-t-elle influencé tes futurs conflits artistiques ?
La pensée du juriste s'applique à un langage précis, je dirais même en partie poétique, contrairement à ce que l'on croit habituellement. Prenons le mot « Körperverletzer »[13] par exemple. Une création pertinente et imagée. Ou bien cette phrase de la Cour des Finances : « le redevable a le droit de régler ses conditions de façon aussi désavantageuse que possible ». Dans ce genre de phrase se révèle toute la grandeur de la liberté et de la dignité qui nous sont octroyées. Et cela restera une partie de mes thèmes.
Tu te décris comme autodidacte. Albert Oehlen t'a poussé vers l'art. Vous avez fondé ensemble la « Liga zur Bekämpfung des widersprüchlichen Verhaltens »[14]. Ce fut le début d'une série d'actions et de projets concordés ensemble, auxquels ont participé Martin Kippenberger, Georg Herold et Hubert Kiecol, entre autres. Quel a été le déclencheur de la fondation de cette ligue ?
Albert Oehlen me montra ses dessins et me dit : « tu n'en es pas capable », qu'il voulut me provoquer ou me faire peur, n'a aucune importance. On ne dit pas ces choses à un ambitieux sans qu'il y ait des conséquences. La fondation de la ligue était une caractéristique de la soi-disant avant-garde. On proclame haut et fort l'existence de boîtes à lettres d'entreprises intellectuelles et on attend lubriquement de voir ce qui se passe.
Depuis 1989 tu enseignes la peinture à la HFBK de Hambourg, tu es donc fonctionnaire comme tu le fais constamment remarquer. Quel décalage d?intérêt as-tu pu remarquer chez les étudiants en comparaison à tes débuts dans les années 1970 ?
Ils ont des rapports plus polis et humains entre eux. Ils ne cherchent pas le chemin de l'extrême. Ils se permettent moins d'ennemis. Ils évitent l'idéologie. Ils ont donc dit « au revoir » au comportement de l'avant-garde historique.
Ton travail artistique n'est pas limité dans le choix des médiums tu es peintre, dessinateur, sculpteur, photographe, plasticien et poète. Tu as publié en 2009 le recueil de poèmes « Lohn des Schweigens »[15]. Quelle signification a cet écrit dans le contexte du reste de ton oeuvre artistique ?
Ecrire c'est peindre sans la mauvaise odeur de la peinture. Avec un minimum d'engagement physique et peu de perte en calories. Propre et complémentaire.
Tes collages ont eu jusqueà aujourdehui une place prépondérante dans ton oeuvre. Quels modèles choisis tu pour leur réalisation et pourquoi ?
La vie quotidienne inonde suffisamment ma piaule d'idioties écrites. Je découpe ce que le coeur, le cerveau ou bien l'oeil a identifié comme remarquable et le dépose quelque part. Le talent, l'expérience et d'autres qualités imprévisibles font que les doigts forment ensuite à un tout cohérent. La colle est le dernier coopérateur.
Quelles sont les possibilités que ce medium permet de réaliser, par rapport aux autres formes d'expression ?
Le collage te surprend plus qu'un dessin fantaisiste. Tu déplaces des images découpées ci et là, jusqu'à obtenir un résultat où tu te dis ; « waouh, ça, ce n'était pas prévisible ». Car ta propre fantaisie est prévisible, finale, limitée. Mais quand tu travailles avec la fantaisie des autres, tu augmentes les possibilités jusqu'à arriver à un résultat étonnant. Tu peux surmonter tes limites et progresser. N'est-ce pas séduisant ?
Cela ressemble un peu à une « auto-illusion », illusion dont les mesures connues sont à la fois belles et dangereuses car sa répercussion sur les deux pôles ne sont pas prévisibles. En ce qui concerne « l'imprévisibilité » dont tu parles dans le processus de collage, il me vient à l'esprit que, depuis le milieu des années 1990 à peu près, tes tableaux donnent une impression de fragmentation, que les motifs sont assemblés comme dans un collage. Je pense par exemple au « Der Blick durch den Käse »[16] (2004). Les mondes imagés sont beaucoup plus abstraits et montrent un caractère plutôt surréaliste en comparaison à tes oeuvres plus anciennes. Tes premiers collages datent des années 2000 environ. Avais-tu essayé avant d'inclure ou de chercher cet aspect de l'« imprévisibilité » dans tes tableaux ?
« Auto-Illusion » est une parole hideuse et pleine de reproches. Il s'agit là de techniques de dépassement de soi, en dernier ressort de révélations : se droguer et danser jusqu'à tomber en transe sont des anciennes méthodes, l'écriture automatique des surréalistes et le collage par exemple sont relativement nouvelles. Avec ces techniques et dans de bonnes circonstances, on réussit à produire des images et des messages qui semblent provenir du OFF. Et l'humanité veut des messages venant du OFF. Elle ne s'est jamais sentie satisfaite des messages venant du ON. Au début c'était une recherche d'élargissement du sujet (« Mutwillig zerstörte Telefonzellen »[17], 1982) et « Der Blick durch den Käse » est l'état d'âme du bilan d'un quinquagénaire avec l'aide de l'«imprévisibilité » du collage. Mais la devise dans son ensemble était toujours « penser de façon pittoresque».
Comment formulerais-tu un bilan aujourd'hui avec des mots ?
Statistiquement il me reste encore 25 années - donc assez de temps pour corriger et compléter, assez de temps pour préciser mon ressenti de la vie et le transmettre, de façon accessible, avec des mots, des images, et de l'argile.
Entretien avec Oliver Zybok, traduction de l'allemand par Nelly Vicich
_______________________________________________________________
[1] « La révolution russe ? du ouï-dire et à l'huile »
[2] « Désastre de la démocratie »
[3] en français dans le texte
[4] « La constitution d'une banque du sperme pour les réfugiés de la DDR »
[5] « Au-delà des efforts constants pour un brave succès »
[6] « Baiser les ouvriers spécialisés »
[7] « La diversité du banal »
[8] « sujets peu élevés »
[9] en français dans le texte
[10] « Vieux truc »
[11] « Il en est ainsi : petites poitrines tombantes pleines d'empreintes etde VW couverts de neige »
[12] « Ma femme lit ! Et la tienne ? »
[13] « Blessé physiquement »
[14] « Ligue de la lutte des comportements contradictoires »
[15] « Salaire du silence »
[16] « Regard à travers le formage »
[17] « Cabines téléphoniques détruites délibérément »